Généralités |
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Urgences thérapeutiques |
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- Les situations suivantes sont des urgences thérapeutiques nécessitant un diagnostic précoce pour une prise en charge adaptée la plus rapide possible,
- Pour toutes ces situations : contact en urgence vers le centre de référence le plus proche ou le médecin correspondant déjà en charge du patient (liste des centres de référence : https://www.fai2r.org/les-centres-fai2r/centres-de-reference-fai2r/#anchor0).
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- Crise rénale sclérodermique :
- Tout patient suspect de crise rénale (HTA récente, IRA en contexte de ScS) doit être hospitalisé,
- Patients à risque : forme systémique diffuse, positivité des anticorps anti-ARN polymérase III, les 5 premières années suivant le 1er symptôme,
- Signes évocateurs : HTA (dans 90% des cas) pouvant être maligne (rétinopathie, encéphalopathie hypertensive, convulsion, oedème pulmonaire, défaillance cardiaque, épanchement péricardique…), insuffisance rénale souvent oligurique, protéinurie sur la bandelette urinaire voir hématurie, apparition de signe d’hémolyse (anémie régénérative, haptoglobine effondrée, présence de schizocytes) et d’une thrombopénie (<100 G/L) (ordonnance 9, bilan biologique),
- Traitement :
- IEC en urgence quelque soit la créatinine :
- Ramipril 5mg à majorer à 5mg x2 /jours,
- Ou Captopril 12,5 mg si instabilité hémodynamique,
- Et hospitalisation systématique urgente avec orientation selon sévérité :
- Réanimation/Soins intensifs (HTA maligne), ou
- Service de néphrologie (créatinine > 350 umol/l ou x3 la normale imposant une dialyse), ou
- Service de médecine interne,
- Avec discussion d’échange plasmatique et d’eculizumab si signe de microangiopathie thrombotique mettant en jeu le pronostic vital.
- Syndrome catastrophique des anti-phospholipides (CAPS syndrome) :
- Thromboses multiples souvent synchrones, pouvant être responsables d’une défaillance multi viscérale menaçant le pronostic vital,
- Il complique un SAPL ou peut être inaugural,
- Plus à risque en cas de positivité des anti-CL, de double ou triple positivité,
- Toute nouvelle manifestation clinique (majoration d’un livedo, nécrose cutanée, HTA…) ou biologique (notamment l’apparition d’une thrombopénie), en période de relai ou de fenêtre d’anticoagulant doit faire évoquer un CAPS débutant,
- Biopsie d’organe ou cutanée à faire si réalisable pour confirmation diagnostique mais ne retarde pas le traitement,
- Signes évocateurs : thrombopénie périphérique sur micro-thrombi pouvant être <10G/L, anémie qui est +/- hémolytique mécanique (MAT), augmentation de plus de 50 % de la créatinine, D-Dimères augmentés, marqueurs inflammatoires élevés, une HTA sévère (> 180/100mHg) et/ou une protéinurie > 500 mg/24h (ordonnance 10, bilan biologique),
- Atteinte d’organe ischémique possible :
- Myocardique à coronaires saines,
- Cérébrale diffuse,
- Nécrose hémorragique des surrénales,
- Hémorragie intra-alvéolaire,
- Cutanée (nécrose, apparition/majoration d’un livedo, hémorragies sous unguéales en flammèches, purpura vasculaire),
- Atteintes macrovasculaires (artérielle et veineuse) classiques mais aussi de localisation plus atypique (thrombose porte, du système splénique et mésentérique, syndrome de Budd-Chiari, occlusions rétiniennes, thromboses veineuses cérébrales)
- Prise en charge :
- A faire en médecine intensive-réanimation,
- Traitement d’un facteur déclenchant (infectieux),
- Référence en 1ere ligne : anticoagulation curative + corticothérapie + échanges plasmatiques ou immunoglobulines intraveineuses.
- (Anticoagulants oraux directs (AOD) non indiqués dans le traitement du SAPL).
- Syndrome d’activation macrophagique :
- Complication possible principalement du LES dans les maladies auto-immunes mais savoir évoquer une complication infectieuse ou autre diagnostic différentiel potentiellement responsable (néoplasique ou auto-inflammatoire),
- Signes évocateurs : fièvre avec splénomégalie et apparition de cytopénie (Hb <9 g/dl, plaquettes <100 G/l, PNN <1 G/l), hypertriglycéridémie (> 3 mmol/l), hypofibrinogénémie (<1.5 g/l). : ferritine très élevés (critères> 500 mg/l), CD25 soluble > 2400 UI/l, activité NK nulle ou abaissée. Hémophagocytose de moëlle (ou autre organe).
- Autres éléments biologiques d’orientation : cytolyse hépatique et augmentation des LDH, (ordonnance 11, bilan biologique),
- Orientation à faire en urgence en secteur hospitalier,
- Le traitement dépend de la sévérité : glucocorticoïdes par voie IV, immunoglobulines IV, traitement plus spécifique de la maladie impliquée (anti-IL-1, cyclophosphamide, Rituximab..), voire etoposide.
- Hémorragie intra-alvéolaire :
- Complication en général d’une capillarite pulmonaire : d’un vascularite à ANCA, d’une maladie à anticorps anti-MBG, d’un SAPL, d’une vascularite cryoglobulinémique, vascularite à IgA, des connectivites,
- Signes évocateurs : hémoptysie avec infiltrats scannographiques en verre dépoli, syndrome de détresse respiratoire associé à une anémie…
- Hospitalisation en urgence avec prise en charge réanimatoire pour ventilation mécanique adaptée en présence de signes de gravité et mise sous corticoïdes, cyclophosphamide voire échanges plasmatiques.
- Atteinte digestive ischémique (infarctus mésentérique, hémorragie digestive, perforation digestive) :
- Complication et signe de gravité d’une vascularite à ANCA, d’une dermatomyosite,
- Signes évocateurs : douleur abdominale brutale non soulagée par antalgiques de palier 2, pouvant être associé à des vomissements, diarrhées exsudatives, méléna/rectorragie, CRP élevée, lactates élevés dans les formes sévères,
- Hospitalisation en urgence pour angio-scanner abdominal diagnostic et prise en charge pluridisciplinaire avec chirurgie si nécessaire puis traitement immunosuppresseur.
- Myocardite d’origine +/- ischémique :
- Signe de gravité d’une vascularite à ANCA, d’une myopathie inflammatoire, atteinte plus rare d’une connectivite,
- Signes évocateurs : douleurs thoraciques, signes d’insuffisance cardiaque aigu droite ou gauche, lipothymie/syncope, palpitations, trouble de la repolarisation rythme ou de la conduction à l’ECG, troponine élevée, NT-pro-BNP élevé,
- Hospitalisation en urgence pour traitements spécifiques cardiovasculaire et immunosuppresseurs.
- Signes bulbaires :
- Signe de gravité d’une myopathie inflammatoire,
- Signe évocateurs : trouble de la déglutition avec fausses routes (toux lors de l’alimentation), dysphagie, modification de la voix (voix nasonnée), dyspnée voire détresse respiratoire aiguë sur atteinte des muscles respiratoires,
- Orientation vers service de réanimation pour prise en charge urgente et traitements immunosuppresseurs voire Immunoglobulines IV et échanges plasmatiques.
- Syndrome de GNRP :
- Atteinte sévère des vascularites à ANCA, vascularite cryoglobulinémique, vascularite à IgA, maladie à anticorps anti-MBG, du LES,
- Signes évocateurs : HTA, OMI, insuffisance rénale sur quelques jours à semaine (créatininémie >140 μmol/l), protéinurie (souvent >1 g/24 h), hématurie parfois macroscopique,
- Hospitalisation pour PBR diagnostique et traitement immunosuppresseurs par bolus de solumédrol, cyclophosphamide (ou mycophénolate mofétil pour le LES), rituximab, voire échanges plasmatiques.
- Atteinte neurologique centrale :
- Atteinte sévère des vascularites à ANCA, du LES, du SAPL, de la maladie de Behçet,
- Signes évocateurs : manifestation d’AVC, signes méningés, paralysie des nerfs crâniens, convulsions, tableau de myélite, troubles psychiatriques récents, confusion..
- Hospitalisation en urgence pour traitements immunosuppresseurs.
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Prise en charge rhumatologique et des symptômes associés |
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Articulaire | - Traitement envisageable de la crise :
- AINS :
- En l’absence d’insuffisance rénale,
- Cortancyl ≈ 0,1 mg/kg (voir fiche corticothérapie) :
- Sans dépasser 15 mg/jours d’équivalent de prednisone en cas de ScS,
- Infiltration de dérivé cortisonique :
- Forme mono ou oligoarticulaire,
- Traitement de fond d’efficacité articulaire :
- Hydroxychloroquine (ordonnance 12) :
- A introduire pour tout patient lupique en prévention de la néphrite lupique,
- Peut être essayé à visée articulaire dans les connectivites sans atteinte polysynoviale,
- Ne pas associer l’hydroxychloroquine à de l’ibuprofène (contre-indication),
- Risque d’allongement QT en association à : citalopram, escitalopram, tricycliques (amitriptyline, clomipramine…), hydroxyzine, dompéridone, pipéraquine, anti-arythmique classe IA (quinidine...) et III (amiodarone, sotalol...), antibiotique type fluoroquinolones et macrolides, fluconazole, anti-rétro-viraux, pentamide,
- Si prise d'hormones thyroïdiennes, un contrôle plus fréquent de la TSH est recommandé,
- Surveillance ophtalmologique nécessaire (courrier bilan ophtalmologique de référence, courrier bilan annuel ophtalmologique à partir de 5 ans de prise),
- Un dosage du médicament est possible en cas de doute sur l’observance,
- Methotrexate ≈ 0,3 mg/kg (voir fiche csDMARD) :
- Atteinte polysynoviale,
- Atteintes mono ou oligoarticulaire résistantes aux infiltrations,
- Indiqué également à visé musculaire,
- En l’absence d'insuffisance rénale (contre-indiqué si clairance < 20ml/min),
- Introduction à valider avec l’accord du pneumologue en cas d’atteinte pulmonaire avec retentissement important aux EFR (faible réserve pulmonaire en cas de survenue de pneumopathie immuno-allergique),
- Voire belimumab (LES) (voir fiche thérapies ciblées),
- Voire abatacept, rituximab ou tocilizumab envisageables dans la ScS (voir fiche thérapies ciblées).
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Phénomène de Raynaud | - Mesures de protection contre le froid (gants chauffants, vêtements "thermiques"…),
- Éviter les médicaments vaso-constricteurs (bêta-bloquant même en collyre, dérivés de l’ergot de seigle, décongestionnants nasaux locaux ou généraux, pergolide (anti-parkinsonien), bromocriptine-cabergoline-lisuride (traitement contre l’hyperprolactinémie)),
- Arrêt du tabac,
- Traitement médicamenteux : les inhibiteurs calciques (ordonnance 13) :
- Nifedipine à 30 mg/j, (seul inhibiteur calcique ayant l’AMM dans la sclérodermie mais commercialisation tjs arrêtée?),
- Ou amlodipine 5 à 10 mg/j, ou nisoldipine 10-60 mg/j, ou félodipine 10 à 20 mg/jours, ou nicardipine 30 à 60 mg/jours LP, ou diltiazem 120 mg/jours LP.
- Effets indésirables possibles : oedèmes des membres inférieurs, flush et hypotension orthostatique.
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Ulcérations digitales d'origine ischémique (localisation distale) | - Traitement local (après avis auprès d’un centre de référence afin de juger de l’indication d’une prise en charge hospitalière urgente pour traitement systémique associé) :
- Nettoyage des plaies au sérum physiologique ou à l’eau et au savon,
- Détersion mécanique sous anesthésie locale, d’une hyperkératose, d’un fond nécrotique ou fibrineux. A faire prudemment en présence d’une ischémie sévère (à documenter par mesure de pression digitale).
- Pansements occlusifs :
- Hydrogels en cas de plaie sèche, fibrineuse ou nécrotique pour favoriser la détersion,
- Hydrocolloïdes, hydrocellulaires, hydrofibres, à l’acide hyaluronique, tulle neutre vaseliné ou paraffiné, en phase de bourgeonnement,
- La recherche et le traitement d’une surinfection sont systématiques.
- Traitement médical en secteur hospitalier :
- Analogues de la prostacycline par voie IV (ilomédine) :
- 0,5 à 2 ng/kg/min, adapté au débit maximum de tolérance, sur 6 à 8 heures pendant 5 jours,
- Effets indésirables : céphalée, hypotension artérielle, effet coronarien, diarrhée, myalgies,
- Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (sildénafil) :
- En deuxième intention en cas d’efficacité insuffisante ou d’intolérance à l’ilomédine,
- 20 mg, 3 fois par jour durant 3 mois,
- Antagoniste des récepteurs de l'endothéline (bosentan) :
- En prévention des récidives, pour formes sévères à risque d’ulcérations multiples,
- 62,5 mg deux fois par jour pendant 4 semaines, puis 125 mg deux fois par jour,
- Inhibiteurs calciques :
- A associer en contexte de phénomène de Raynaud,
- Traitement chirurgical :
- Détersion-greffe de peau totale : en cas d’ulcérations persistantes, ne répondant pas aux traitements locaux,
- Amputation : en dernier recours, en cas de gangrène humide ou d’ostéite résistant au traitement médical, en cas de vastes pertes de substances ou de douleurs distales irréductibles, résistantes aux traitement médical.
- Sympathectomie : +/- après échec des traitements médicaux, en cas d’ischémie rebelle et étendue,
- Réduction chirurgicale du volume d’une calcification : en cas d’ulcérations persistantes et douloureuses en regard d’une volumineuse calcinose.
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Syndrome sec buccal | - Mesures générales :
- Arrêt du tabac et de l’alcool,
- Maintien d’une bonne hygiène bucco-dentaire avec éducation thérapeutique,
- Hydratation correcte (1.5 l),
- Traitement d’une complication,
- Gestion d’une étiologie médicamenteuse surajoutée :
- Action forte : atropiniques, antidépresseurs imipraminiques, neuroleptiques, antiparkinsoniens, morphiniques, opiacés faibles, toxine botulique de type A, antiarythmiques de classe 1A, antihistaminiques anticholinergiques, isotrétinoïne (anti-acnéique), certaines chimiothérapies,
- Action modérée : bêtabloquants, alpha bloquants, inhibiteurs calciques, benzodiazépines, antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de sérotonine,
- Stimulation salivaire non pharmacologique (forme avec hyposialie faible à modéré) :
- Stimulants gustatifs (bonbons acides sans sucre, pastilles de xylitol),
- Stimulants mécaniques (chewing-gums sans
- sucre),
- Les jus de citron ou d’agrumes sont en général mal tolérés et sont délétères pour la denture déjà fragilisée par la maladie,
- Substituts salivaires (ordonnance 14) :
- Sous forme de gel, sprays, ou bains de bouche,
- Avec si possible un pH neutre, contenant du fluor et d’autres électrolytes pour imiter la composition de la salive naturelle,
- Efficacité limitée,
- Pas d’effet secondaire mais pouvant être mal supportés (sensation désagréable),
- Sialogogues :
- Chlorhydrate de pilocarpine (agoniste muscarinique) (ordonnance 15) :
- A dose progressivement croissante jusqu’à une dose maximale de 15 à 20 mg/jour en trois ou quatre prises,
- A préférer sous forme de préparation magistrale avec gélule à 2 et 4 mg (meilleure tolérance que forme vendue en pharmacie et pouvant être remboursé),
- La pilocarpine peut également être efficace sur la sécheresse nasale, bronchique et vaginale. Son effet sur la sécheresse oculaire est plus inconstante,
- Effets indésirables : hypersudation, tachycardie, difficultés mictionnelles,
- Anétholtrithione (cholérétique) (ordonnance 16) ou bromhexine et N-acétylcystéine (mucolytiques) : mieux supportés que la pilocarpine mais moins efficaces,
- Fluoroprophylaxie (prévention des lésions carieuses) :
- Brossage avec dentifrice fluoré biquotidien,
- Gouttières de gel fluoré en plus du brossage fluoré si hyposialie modérée à sévère,
- Suivi dentaire tous les 6 mois (risque de complications bucco-dentaires). La présence d’un SSj n’est pas une contre-indication à la pose d’implants dentaires,
- En cas de candidose oro-pharyngée, des antifongiques locaux (Fungizone®) ou systémiques (Triflucan®) devront être prescrits.
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Syndrome sec oculaire | - Tout patient présentant un SSj doit bénéficier d’une évaluation ophtalmologique (d’autant plus que l’intensité des symptômes de sécheresse n’est pas corrélée à la gravité de l'atteinte ophtalmologique : le risque de kérato-conjonctivite essentiellement et de blépharite),
- Dans tous les cas : massages palpébraux réguliers par le patient,
- Des agonistes muscariniques tels que la pilocarpine par voie orale peuvent être utilisés selon les mêmes modalités que pour la sécheresse oculaire mais avec une efficacité moindre,
- En 1ere ligne (ordonnance 17) :
- Larmes artificielles, et
- Collyres lubrifiants sans conservateur contenant du méthylcelullose ou de l’acide hyaluronique : goutte, gel, pommade,
- En 2e ligne l’ophtalmologue peut proposer plusieurs traitements :
- Non pharmacologique : utilisation de bouchons méatiques, voire verres ou lentilles sclérales et mini-sclérale (à visée protecteur et de réservoir de larmes),
- Locaux : collyres de corticoïdes sur une courte durée, collyres de ciclosporine (délivrance hospitalière). Puis si insuffisant collyre de tacrolimus voire collyre de sérum autologue,
- Prise en charge en milieu hospitalier ophtalmologique pour les kérato-conjonctivites sévères.
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